Extrait de : La France Protestante
de Eugène Haag.
ESCODECA (Jean d’)
Seigneur de Boisse ou Boesse en Périgord, laissa de son
mariage avec Marguerite d’Aspremont quatre fils :
-
Armand, sieur de Boisse, qui épousa jeanne de
Boursolles et n’en eut que deux filles : Marguerite, femme, en 1602, de
Henri de Cocumont, marquis de Castelnant, et N., alliée au seigneur
d’Oradour ;
-
Jean, sieur de Montsavignac, mort sans postérité ;
-
François, sieur de Villebeau, tué, en 1588, au siége de
Beauvoir sur mer ;
-
Pierre, qui a joué un rôle considérable dans les
guerres de religion sous Louis XIII.
Nous ignorons si c’est à Pierre d’Escodéga ou à son père que
fut confié, en 1568, le gouvernement de Pons, après que Piles s’en fut rendu
maître ; nous regardons cependant la seconde supposition comme la plus
vraisemblable, et c’est probablement aussi le père qui combattit à Coutras.
Quoi qu’il en soit, Pierre d’Escodéga, baron de Boisse, servait depuis longtemps
déjà dans le régiment de Navarre, avec le grade de capitaine, lorsque, en 1592,
il leva un régiment d’infanterie de son nom, avec lequel il assista aux sièges
de Dreux et de Rouen, et fit la campagne du Périgord en 1593. Son régiment, qui
avait été fort maltraité sous les murs de Rouen, ayant été incorporé dans celui
de Navarre, il en devint colonel et le commanda aux sièges de Laon et de Dijon,
au combat de Fontaine-Française, en 1595, et au siège de La Fére, en 1596. La même année,
il prêta le serment d’union à l’assemblée politique de Loudun ; toutefois
il n’hésita pas à se séparer des ses coreligionnaires et à suivre le roi au
siège d’Amiens, en 1597. En 1598, il fut employé à l’armée de Picardie. En
1600, il fit la campagne de la
Bresse et fut nommé par Henri IV gouverneur de la citadelle
de Bourg, malgré Biron qui en conçut un vif mécontentement.
Pendant près de
quinze ans, Boisse disparaît ensuite de la scène, nous ne le retrouvons qu’en
1615, alors que le parti huguenot, allié à Condé et aux autres mécontents, prit
les armes pour s’opposer aux mariages espagnols. Après l’assemblée de
Villefranche, à laquelle il assista, il conduisit son régiment à l’armée de
Bois-Dauphin, « plus porté, dit La Force, d’ambition et d’avarice que de
religion ».
Une entreprise conduite par lui contre l’abbaye de
Saint-Ferme, qu’il convoitait, échoua. L’année suivante, il servit sous les
ordres du duc de Guise et mena du secours à La Force attaqué par Grammont. Au mois de décembre
de la même année, il se démit de son régiment. Il est fort probable que, dès
cette époque, il commença à prêter une oreille complaisante aux séductions de la Cour, qui, pour se
l’attacher, le créa maréchal de camp par brevet du 22 mars1619. Ce fut en cette
qualité qu’il servit en Guyenne sous le duc de Mayenne, sans rompre ouvertement
néanmoins avec le parti huguenot. Loin de là, les députés des églises s’étant
assemblés à La Rochelle,
malgré les défenses du roi, Boisse, d’accord avec son fils Mirambeau, avec La Forest, gouverneur de
Castillon, et avec les consuls de Sainte-Foy, Lajonie, Guigniard et J.Capelle,
leur écrivit, dès le mois de février, pour protester « de sa dévotion et
fidélité en l’union des églises et en exécution des résolutions de ladite
assemblée ». Ces promesses, renouvelées encore le mois suivant, étaient,
de sa part au moins, dictées par une odieuse hypocrisie.
Boisse était dès lors
vendu à la Cour,
et il avait déjà reçu des ordres du roi pour fortifier Sainte-Foy et Monheurt
contre les huguenots. A l’époque de l’assemblée de Sainte-Foy, dans le but
évident d’affaiblir le parti protestant, il avait eu recours à toute sorte
d’intrigues pour faire nommer député à La Rochelle son affidé Penchant ou Ponchant, qui ne
tarda pas à abjurer, et pour se faire donner à lui-même le commandement en chef
de la Guyenne,
de préférence à La Force. L’assemblée
de Sainte-Foy, redoutant de mécontenter l’un ou l’autre, avait renvoyé la nomination à l’Assemblée de La
Rochelle qui avait élu La Force général de la Basse-Guyenne, en
lui adjoignant Boisse comme lieutenant. Peu satisfait de cette décision qui
rompait ses projets, Boisse refusa le poste qu’on lui assignait, tout en
renouvelant d’ailleurs à l’Assemblée l’assurance « d’employer sa vie et
ses amis pour l’avancement de la gloire de Dieu et maintien des ses églises
avec autant de zèle et fidélité que par le passé (Fonds de Brienne, N° 225).
Or, dans le même temps, il fit partir pour la Cour, Malleret de Feuillas, de Bordeaux, chargé
de protestations d’obéissance et de fidélité de la part des villes de la Guyenne.
Maître de Montflanquin
par Saint-Leger, qui y commandait ; de Tonneins-Dessus, par Jacques de
Bruet, sieur de La Garde,
qui lui était dévoué ; de Sainte-Foy, de Gensac, de La Mothe, de Castillon, de
Montravel, il pouvait, jusqu’à un certain point, promettre à Louis XIII qu’il
n’éprouverait nulle part de résistance ; mais Rohan sut déjouer ses
manœuvres, en sorte qu’à l’arrivée du roi, il ne put lui livrer que Monheurt et
Sainte-Foy, dont la garde lui fut laissée.
Boisse accompagna
Louis XIII au siége de Montauban. Le connétable et les personnes les plus distinguées
de la Cour,
raconte Le Vassor, lui faisaient des caresses extraordinaires pour l’engager à
changer de religion, et il n’en paraissait pas éloigné. Selon Fontenay-Mareuil,
on lui promettait, pour prix de son abjuration, le bâton de maréchal de France
et la lieutenance du roi en Guyenne. Sur ces entrefaites arriva la nouvelle que
Mirambeau, son fils aîné, et Théobon, son gendre, avaient profité de son
absence pour se saisir de Monheurt et de Sainte-Foy. Boisse s’empressa de
partir, par ordre du roi, et il fit une telle diligence qu’il arriva à
l’improviste à Monheurt et s’assura sans peine la place ; puis il
s’achemina vers Sainte-Foy où commandait Théobou. Mais, en passant à Gensac,il
y trouva Savignac d’Eynesse, huguenot exalté qui s’était promis de punir le
traître. A peine était-il descendu dans le logis de l’avocat Nauze qu’il y fut
attaqué et tué avec un prêtre, qu’au rapport de Mercure, « il avait
toujours avec lui ». Le seul éloge que Pinard trouve à faire de cet
ambitieux sans foi, c’est qu’il s’était battu vingt-deux fois et avait toujours
tué son adversaire. Fontenay-Mareuil réduit à sept le nombre de ses
duels ; c’est déjà trop.
Pierre d’Escdéca
avait épousé Marie de Ségur, héritière de Pardaillan, terre dont il joignit le
nom au sien. Il en eut une fille, nommée Jeanne, qui épousa Théobon, et un fils
appelé Armand, qui devint marquis de Mirambeau par son mariage avec Madeleine
de Pons, fille aînée de Jacques de Pons et de Marie de La Porte. Après le meurtre de son
père, auquel on l’accusa faussement d’avoir consenti , il se saisit de
nouveau de Monheurt que Louis XIII fit bientôt investir pour se venger sur
cette petite ville de l’affront que ses armes avaient reçu devant Montauban.
Le
jeune marquis sembla d’abord disposé à vendre la place, au prix de 4000
écus ; mais bientôt, revenant à des sentiments plus honorables, il rompit
la négociation, et bravement secondé par le capitaine Labroue, il se défendit
avec courage. Les attaques furent conduites vigoureusement. La mort de Labroue,
emporté, le 10 décembre, par un boulet de canon, et la blessure de Mirambeau
démoralisèrent les assiégés, et, avec le découragement, l’esprit
d’insubordination se répandit dans Monheurt.
On parla donc de se rendre, mais
le roi refusa d’abord toute composition. Il finit cependant par accorder la vie
aux gentilshommes et permit à la garnison de sortir un bâton blanc à la
main ; mais il refusa de comprendre les habitants dans la capitulation. La
ville fut livrée à la discrétion du soldat et réduite en cendres, le 12
décembre.
Selon le P.Daniel, Mirambeau défendit ensuite Argenton qu’il fut forcé
de rendre au duc de Luxembourg. Le Mercure français appelle, en effet, Boisse
ou La Boisse
le capitaine huguenot qui commanda dans cette place en 1622, en ajoutant que,
peu de temps après, il tomba en frénésie et mourut. Nous croyons qu’il s’agit
de deux personnes différentes, Castelnaut nous apprenant dans ses mémoires, et
il devait être bien renseigné, que Mirambeau, irrité de ce que La Force ne voulait pas
consentir à lui livrer le meurtrier de son père, passa dans le camp ennemi, en
1622, tandis que, selon l’Histoire journalière du voyage du roi en 1621, il fut
tué en essayant de se jeter dans Sainte-Foy avec le vicomte de Castets.
En présence de ces
contradictions, il est difficile de décider si c’est Mirambeau qui aurait
épousé Victoire de Bourbon-Malause, après la mort de sa première femme. Ce qui
est certain, c’est qu’il laissa des descendants qui professaient encore la
religion protestante en 1668.