PLAN DE LA VILLE DE
MON-HEVR, AVEC
LES PARTICVLARITEZ DV SIEGE MIS DEVANT ICELLE,
BRVLEMENT, ET CHASTIMENT EXEMPLAIRE
Si chacun savait conserver son bonheur, les villes qui
demeurent encore opiniâtres en leur rébellion, contre leur légitime Roi, prendraient
exemple sur Monheur, seulement heureuse lors que par l’obéissance de sieur de
Boesse Pardaillan la rendit avec
Sainte-Foy (dont il était aussi gouverneur) entre les mains de sa Majesté,
incontinent après la prise de Saint Jean d’Angely. C’était un crève cœur aux
rebelles de voir qu’un si beau et vaillant Capitaine avait donné une preuve si
signalée de sa fidélité, et montré qu’il fallait obéir à son Prince sans
conditionner le joug. Il n’est pas question de religion, disait-il, mais
d’obéissance.
Rien ne nous peut absoudre du serment de fidélité que nous devons
à notre Souverain, pourquoi lui refuserions-nous l’entrée chez lui ? Aussi
ce Seigneur assista le Roi au siège de Montauban, et y ayant été quelque temps,
il sut que les habitants de Sainte-Foy voulaient remuer, il s’y achemine, et
ayant reproché la perfidie des principaux auteurs du remument, ils
l’assassinèrent misérablement. Sainte-Foy se rebelle, Monheur suit son heur
faisant de même, et étant une place qui importait beaucoup contre le service du
Roi, et pouvait fort incommoder le passage et commerce sur la Garonne où elle est assise
entre Bordeaux et Toulouse, il fallut ôter cette mauvaise épine, et lui faire
porter le châtiment de sa rébellion et perfidie
Elle était pour son petit circuit grandement forte, tant de ses murs anciens
que des nouvelles fortifications.
Le siège y étant mis, les habitants voulurent
faire quelque effort le vendredi dixième Décembre 1621, et étant sortis environ
deux cents, la rentrée ne fut pas de même, car il en demeura la plus part sur
la place, et les autres blessés. Les approches se font gaillardement, les
Suisses travaillèrent à l’ennui des Français sans perte d’hommes les batteries
sont dressées parterre, et du côté de l’eau. Les mines sont avancées en peu
d’heure jusque sous deux des principaux bastions. Le canon joue sans
interruption, l’on ne donne ni délai ni repos aux assiégé.
Le Roi commande à
tout, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, fait diligenter la fabrique de
plusieurs bateaux pour un assaut par eau et par terre. La première mine joue,
et enlève le plus fort bastion vers la porte du côté de midi, quoique la
seconde ne fit pas un semblable effet, les assiégés qui n’attendaient un si
rude jeu, pensent à se rendre.
Le Samedi onzième l’assaut étant redoublé ,
le Marquis de Mirambeau, fils aîné dudit sieur de Boesse, parut sur le rempart,
demandant à parlementer. On les écoute, et sur ce qu’ils désiraient qu’il fut
dressé une capitulation de leur reddition, le Roi manda qu’il fallait qu’ils se
rendirent à sa merci.
Le soldat pressait et ne demandait qu’à enter, de sorte
que sa Majesté ayant commandé que toutes les femmes et filles sortissent avec
peu de bagage, et entrassent dans les bateaux qui étaient au bord de l’eau. A
peine furent-elles de l’autre côté de la rivière, que le soldat entra partout,
et usant du droit de guerre, fit butin de ce qu’il peut. Ceux de la garnison,
en même temps, sortirent le bâton blanc à la main.
Les principaux auteurs de la
rébellion furent mis en sure garde pour être punis, et enfin le feu purgea le
reste du crime de cette misérable ville, qui est à présent toute en cendre.
Dieu faisant de jour en jour prospérer les armes du Roi contre ceux qui étant
ses légitimes sujets lui refusent perfidement l’obéissance qu’ils lui doivent.