PAROISSE DE MONHEURT
(notes du Chanoine DURENGUES 1860-1948)
Saint Patron
De tout temps cette paroisse était sous le patronage de la
sainte vierge (8 septembre). La fête locale se célébrait le dimanche qui suit
la nativité de la sainte vierge. A ce patronage on ne sait pour quelle raison
un curé vers 1883 (peut être M. Lionnet ?) jugea à propos de substituer
celui de saint Cloud. Les curés suivants comme M.Dubrouzier, M. Lanusse ont
beau protester il fallut s’incliner devant le fait accompli. De nos jours la fête
locale est fixée au 7 septembre jour de saint Cloud, confesseur.
Titres
Sous l’ancien régime, cette paroisse était unie avec le
diocèse de Condom, archiprêtré de Cayran, à la nomination de l’évêque. Dans
leur projet de circonscription (1792) les constitutionnels lui conservèrent
sont titre de cure Elle a été érigée à l’organisation (1803) en succursale du
canton de Damazan.
Ancien établissement
religieux Le Prieuré de Notre Dame de Monheurt
Ce prieuré fut fondé
vers la fin du XI éme siècle par Gérard, premier abbé de la Sauve sur une terre que lui
avait donné Etienne de Caumont.
Comme le lieu de Monheurt était alors situé sur la paroisse
de Saint Christophe de Lannon (depuis de Villeton) et que cette paroisse appartenait à
l’abbaye de saint Sever un conflit ne tarda pas à s’élever entre les deux
abbayes. L’historien de la Sauve,
Monsieur de La Ville
a raconté ainsi cet incident : Gérard
résolut de bâtir une église sur le lieu de Maniort (aujourd’hui Monheurt dans
le diocèse d’Agen) ajoutée, par Etienne de Caumont, à d’autres donations. Mais
des contradictions l’attendait dans cette entreprise Arnaud d’ Estios, abbé de
saint Sever, s’y opposa parce que cette terre était située dans la paroisse de
saint Christophe appartenant à son abbaye. Notre saint toujours plein de
douceur et cependant toujours ferme au milieu des obstacles ne se laissa pas
décourager et poursuivit son œuvre. L’église bâtie, un grand nombre d’habitants
vient l’environner, un village se format avec tant de succès pour la gloire de
Dieu et le salut des âmes, que Gérard eut la consolation de voir le fils du
vicomte de Gavarret, plein de reconnaissance de tant de bienfaits répandus sur
ses sujets, venir à la Sauve
confirmer les actes de son père et demander en échange leur fraternité et leurs
prières , et que plus tard un autre abbé de saint Sever, Suavins, s’empressa
aussi de renoncer à toute réclamation et de faire entrer son abbaye en
participation aux bonnes œuvres.
En l’an 1149 Fourius abbé de saint Sever céda au prieur de
Monheurt les dîmes de saint Christophe de Lannon tout en se réservant le droit de les récupérer. Selon toute
vraisemblance la paroisse fut alors démembrée ; l’église de saint
Christophe avec une partie de territoire resta au prieur de Buzet qui la
possédait encore en 1790 sous le nom de saint Christophe de Villeton . Le reste
du territoire comprenant les églises de Monheurt et de saint Pierre de Lannon fut
attribué au prieuré de Monheurt.
A ce prieuré Elie II de Castillon évêque d’Agen unit en 1164
l’église Notre Dame de Coutures près de Casteljaloux. Plus tard Benoît de Guiton (+ 22 février 1485), cet abbé de La Sauve qui reconstitua le
patrimoine de l’abbaye très éprouvé pendant la guerre de cent ans annexa à
Monheurt les églises bénédictines de Perillac, Canillac, Prignac, Saint Aubin,
Sainte Gemme, Saint Pardoux, Verdegas, Saint Barthélemy de la Barde.
Dom Estiennot avance sans aucune preuve d’ailleurs que Saint
Gérard avait établit à Monheurt une communauté de moines qui y subsista
jusqu’aux guerres de religion. Il est bien plus certain que comme à Buzet il
n’y eut à Monheurt qu’un religieux à poste fixe, portant le titre de prieur. Le
religieux lui-même avait disparu au XVI éme siècle et depuis le prieuré est
tombé à l’état de bénéfice simple.
Bien qu’il eut perdu une partie de sa dotation il passait
encore à la fin de l’ancien régime pour un des plus riche de la contrée. Le
dernier prieur, Dom Brioude avait affermé tous les biens en dépendants,
c'est-à-dire les fruits décimaux des paroisses de Monheurt, Saint Pierre de
Lannon, Saint Jean de Marsac, La
Sauvetat, Figuiers, Notre Dame de Coutures et le domaine de la Banière autrement du
prieur dans la paroisse de Monheurt, moyennant 6700 livres par an, une
douzaine de serviettes (valeur 20 livres), une nappe de douze couverts de
toile de brin (1) ouvrées (valeur 10 livres) et 20 aunes (2) de toile aussi de
brin de ¾ de large (valeur 50
livres). En outre le fermier était tenu de donner
annuellement au curé de Notre Dame de Coutures 8 sacs de froment, 8 sac de seigles
et 8 sacs de blé d’Espagne et de payer toutes les impositions royales,
seigneuriales et locales du domaine de la Banière, ensemble la portion de l’honoraire à
laquelle le prieur pouvait être tenu envers le prédicateur de Villefranche.
On vendit pendant la révolution deux pièces de terre
labourable, friche et pré, de 12 journaux (3) ¾ au lieu dit la Beyrie ou à la Cave, paroisse de Monheurt,
ci devant au prieur, estimées 4400 livres.
Topographie
Cette paroisse s’étend sur la rive gauche de la Garonne qui la borne à
l’est. Elle forme la partie la plus importante de la commune du même nom,
celle-ci renfermant encore Monluc dans la
paroisse de Saint Léger, Pélissier dans la paroisse de Puch. Aussi bien
sa superficie n’est elle que de 623 hectares tandis que celle de la commune est
de 1 134
hectares, 24 ares, 43 centiares. Le village de Monheurt
est situé au bord du fleuve, sur un tertre formé d’un remblai destiné à le
mettre à l’abri des inondations. Autre lieu principal Moulinet à 800 mètres de l’église.
A 1 Km
de Damazan, à 28 Km
de Nérac, à 36 Km
d’Agen, Bureau de PTT à Damazan. Halte de chemin de fer à Nicole (1 Km ½). Gare à Aiguillon (8 Km)
Note d’histoire
Le protestantisme, comme dans beaucoup de nos paroisses,
s’établit à Monheurt par la violence. On lit dans une lettre du parlement de
Bordeaux au Roi, à la date 1560 … Pareillement
le curé de Monheurt en Agenois, s est venu plaindre de ce que après avoir
fait le service divin, un jour de Dimanche, environ dix heures du matin, ayant
fait fermer les portes de l’église, suyvant les arresty de ceste vostre court,
affin que telles prédications prohibées ne se fissent en icelle et que le
peuple ne fust séduict, ung grand nombre de gens, les aucuns ornez d’espées,
avoient blessé ledict curé et baillé à son vicaire, par derrière, ung coup
d’éspée à travers son corps et les eussent thuez, n’eust été qu’ilz trouvèrent
moi en se retirer, lesquelz furent faicts en haynede ce que ledict curé et
vicaire ne leur vouloient bailler les clefz de l’église pour faire prescher ung
ministre qu’ilz y avoient mené, lequel ilz firent prescher par force.
Au mois de Novembre 1569 Moussier et Chassauldy occupent Monheurt. A. Mongommery s’y établit pour préparer un pont de bateau.
Cette place est prise par Biron au mois de juillet 1580. Elle est assiégée en
présence de Louis XIII au mois de Novembre 1621, elle capitule après un mois de siège et elle est brûlée et rasée le lundi 13 Décembre suivant.
On voit encore quelques substructions (4) des murs
d’enceinte qui furent rasés par ordre de Louis XIII après la prise de la ville.
Eglise
L’église primitive fut détruite sans doute avec le village
en 1621. L’église actuelle est un édifice du XVII éme siècle, sans style, construit en briques et
en pierres, sans contreforts, pilafonné partout. Elle se compose d’une nef
unique de forme rectangulaire de 112
m2 de superficie et d’un chœur ou abside en éventail à
cinq pans. La façade principale était percée dans son pignon d’un campanile où
se balançait une cloche de 150 Kilos. En 1895 le conseil municipal vota 18 000
francs pour la restauration de cet édifice et la construction du clocher. Il
demanda en même temps pour le même objet un secours à l’Etat de 10 000
francs.
Temporel
Sous l’ancien régime, comme nous l’avons dit, le prieur de Monheurt
prenait toutes les dîmes de cette paroisse. Il donnait 1300 livres au curé
pour sa portion congrue et ses novalis. Il est probable que dans cette somme
était comprise l’indemnité due au curé pour la desserte de la paroisse voisine
de Saint Pé de Lannon. A la fin de l’ancien régime il ne restait de l’église de
Saint Pé de Lannon que les murailles, le clocher et le cimetière au bas duquel
coulait le gros ruisseau de la Cave. Ces
objets furent vendus au profit de la nation pendant la Révolution. Cette
église était annexe de Lussac dont elle était éloignée de d’une grosse heure et
demie. De temps immémorial, à cause de la distance, les curés de Lussac se
déchargeaient volontiers sur ceux de Monheurt du service de cette annexe. Cet
arrangement avait été approuvé par les évêques de Condom, notamment par M.
d’Auterroches, dans son verbal de visite du 11 Mai 1769. Parmi les biens
nationaux situés dans cette paroisse on trouve une pièce de terre labourable au
milieu de laquelle était le cimetière, d’une contenance de 2 journaux ¼ , d’une
valeur locative de 140
livres et capitale de 3080 livres. Un ancien
curé, M. Brousse, avait laissé à ses successeurs un lopin de terre pour le
revenu ……être employé au soulagement des pauvres de la paroisse.
Le presbytère qui avait été acheté par la commune au mois
d’Octobre 1833 fut incendié en 1874. Il fut reconstruit en de belles
proportions sur un devis de 13 159 francs. L’Etat accorda à cette occasion
un secours de 4 000 francs. Dans cette paroisse le casuel (5) est remplacé
par la coussure. Cette sorte d’abonnement produisait en 1876, cinq ou six
hectolitres de blé.
Spirituel
Sous l’ancien régime comme depuis le concordat, cette
paroisse a toujours eut droit au service curial ordinaire. Le binage (6) y
était établi en 1890. La confrérie du Scapulaire y a été érigée dans les
premières années du XIX éme siècle ; l’archiconfrérie de Notre Dame des
Victoires en 1831. On célèbre la fête de l’adoration le 28 Septembre. Avant la
suppression de l’enseignement congréganiste (7) il y avait une école de filles
dirigée par deux religieuses des filles de Jésus. Aujourd’hui il n’y a plus que
deux écoles laïques.
Démographie
En 1843, 499 habitants, 424 catholiques et 75
protestants ; à cette date 60 hommes et 140 femmes font leurs Pâques. En
1855, 500 âmes, l’église n’est fréquentée que par 60 ou 80 personnes. En 1876,
450 âmes, 70 hommes et 160 femmes font leurs Pâques. En 1879, 525 âmes, 445
catholiques et 80 protestants. En 1890, 387 âmes, 78 hommes et 120 femmes font
leurs Pâques. En 1911, 300 âmes.
Titulaires depuis le
concordat
1) François
Ladebat, né le 14 Septembre 1730. Curé de Monheurt depuis 1760, il prêta tous
les serments. M. Ladavière donna sur son compte à Mgr Jacoupuy la note
suivante : curé de Monheurt depuis
42 ans, est un homme très instruit, un peu ardent et jouit à juste titre de
l’estime générale.. Maintenu à Monheurt à l’organisation (1803), comme
desservant, M. Ladebat y mourut le 31
Juillet 1812.
2) Jean
Garin né le 13 Avril 1750, venant de la Sauvetat du Dropt où il avait été nommé le 4 Mai
1812. Avant desservant de Fraisses.
3) Jacques
Paulin Lionnet, né le 28 Juin 1806, nommé à Monheurt le 1er Février
1834, transféré à Sainte Côme le 13 Octobtre 1836.
4) Jean
Antoine Morcan, né à Doumilhac le 17 Décembre 1807, prêtre le 20 Décembre 1834,
Vicaire à Villeréal le 1er Janvier 1835, recteur de Monheurt le 1er
Janvier 1836, de Saint Etienne le 21 Novembre 1841, de Sainte Eutrope le 1er
Juillet 1847, décédé le 1er Mai 1861.
5) Pierre
Mericq né le 10 Octobre 1805, nommé à Monheurt le 4 Décembre 1841, transféré à
Montmarés le 1er Janvier 1853.
6) Jean
Debrouzier né à Castillonés le 29 Août 1821, prêtre le 20 Décembre 1845,
vicaire à Lévignac le 20 Décembre 1845, recteur de Monheurt le 1er Janvier 1851, vicaire à
Lévignac le 21 Novembre 1852, aumônier des filles de Marie à Agen le 2 Novembre
1854, décédé le 13 Février 1864.
7) Jean
Lanusse né le 2 Janvier 1818.
8) Jean
Descazal né le 15 Janvier 1827, nommé à Monheurt au mois de Juillet 1859, transféré à Villeton
le 15 Juillet 1868.
9) Pierre
Seguin né le 27 Novembre 1928, nommé à Monheurt le 1er Avril 1869,
transféré à Fourques le 18 Septembre 1884.
10) Pierre Léon Moureti né à Gontaud le 30 Avril
1853, prêtre le 15 Juin 1878, vicaire à Laroque le 1er Juillet 1878
avec le titre de Norpuh, recteur de Saint Ferréol le 12 Novembre 1880, de Monheurt le 27
Septembre 1884, retraité le 31 Juillet 1906.
11) Firmin Auguste Anvolet Pallicé né à Villeneuve
sur Lot le 13 Juillet 1878, prêtre le 6 Juin 1903, vicaire de Port Sainte Marie
et desservant Mazères le 13 Juin 1903, recteur de Puymasson le 16 Octobre 1905,
de Mazères le 8 Décembre 1905, de Monheurt le 18 Juillet 1906.
Notes :
(1) toile
de brin : la toile de brin est une toile très fine, de premier choix, soit
de lin soit de chanvre.
(2) Aune :
Ancienne mesure de longueur, utilisé pour les étoffes et valant environ 1,20 m.
(3) Journal :
unité de surface (correspond à la surface labourée par un cheval en un jour)
variable suivant les régions.
(4) Substruction :
En architecture, une substruction consiste en un ensemble de fondations ou de
tout autre structure initiale dont le but est de sur élever l’étage le plus bas
ou la base d’une construction, au dessus du niveau naturel du sol.
(5) Casuel :
(du lat. casualis éventuel) se dit spécialement des
rétributions accidentelles accordées aux curés vicaires ou desservants des
paroisses pour certaines fonctions de leur ministère comme baptêmes mariages
sépultures messes etc. Le casuel a son origine dans les dons volontaires que
les fidèles de la primitive Église offraient à leurs prêtres et qui
constituaient alors tout le revenu des ministres du culte. Aujourd'hui que les
fonctions ecclésiastiques sont rétribuées par l'Etat le casuel sert encore à
suppléer à l'insuffisance de certains traitements : seulement la loi du 8 avril
1802 a
exigé que les évêques ou les fabriques des paroisses établissent un tarif de ce
qu'il était permis aux prêtres de recevoir dans l'exercice de leur ministère et
que ce tarif fût soumis préalablement à l’autorité civile ou judiciaire.
(6) Binage :
Action du prêtre qui dit la messe deux fois le même jour.
(7) Congréganiste :
Qui fait partie d’une congrégation. Ecole congréganiste : école dirigée
par une congrégation religieuse.