Ouvrage d’origine inconnue : texte relatif à la prise de Monheurt
Par Louis XIII en 1621.
Encore que le Marquis de Mirambeau, Gouverneur de Monurt, et
fils de Boisse Pardeillan, eut promis à son père d’être fidèle au Roy, Que le
Sieur de Theabon, Gouverneur de Sainte Foy, & gendre du même Boisse, eut
promis une semblable chose, et que sur leur parole, Pardeillan eut assure sa
Majesté de leur obéissance ; ils se résolurent de joindre le parjure à la félonie,
d’opposer des soldats frais et dispos, à des troupes maigres et recrues, et de
tirer avantage des rigueurs de la saison.
Comme Boisse, qui
était homme d’honneur, fut extrêmement piqué de ce que son fils et son gendre,
étaient tombés dans un changement si honteux, il prit congé du Roy, pour se rendre
aux lieux où ils étaient, et pour réduire les choses au point où il les avait
laissées.
Mais outre que son voyage fut inutile, il fut funeste, les ministres
qui avaient animé ses enfants contre lui, lui firent refuser les portes ;
et ces boute feux, qui ne demandaient qu’à se défaire de ce Gentilhomme,
trouvèrent des esprits si disposés à le perdre, qu’ils lui firent porter le
poignard dans le rein. Le Roi était à Toulouse, lors qu’irrité de la garnison
de Monurt, il fit dessein de retourner à Paris par Bordeaux, et de punir en
passant l’insolence de cette bicoque. Avant que de partir, il envoya un ordre
au Maréchal de Roquelaure, pour ramasser les troupes qu’il avait dans le pays,
et pour les conduire devant Monurt.
Quelques preuves que
sa Majesté eut donné, des vertus dont elle était pourvue, elle finit sa
campagne par des actions extrêmement glorieuses. Elle visita les postes et les
batteries, elle assista les malades et les blessés, et elle récompensa la plus
part de ceux qui avaient fait des merveilles aux occasions précédentes. Il
n’était pas nécessaire, qu’à l’exemple de quelques Empereurs de Constantinople,
on lui écrivit le nom de ceux qui l’avaient fidèlement servit, ni qu’on
l’animât à reconnaître leur zèle, sa mémoire était son registre, son inclination
était son solliciteur, et elle faisait tout ce qu’elle jugeait convenable à la
grandeur royale.
Le Roi, qui ne
pouvait souffrir qu’une petite place achevât de ruiner son armée, fit battre
Monurt sérieusement. Et quoique Mirambeau eut été tenté par le vicomte de
Castets, de mourir plutôt les armes à la main, que de se rendre à discrétion,
l’on fit jouer deux mines, qui l’épouvantèrent de telle sorte, qu’il recourut
promptement à la clémence de sa Majesté. Les gens de guerre sortirent l’épée au
côté, et les habitants le bâton à la main, et à peine la ville fut-elle pillée,
qu’elle fut toute en feu.
Il est vrai que ce traitement semblât rude à
quelques-uns. Mais quand nos troupes n’eussent pas eu le pied mouillé dans les
tranchées, et que pour les animer à prévenir la diligence de celles qui
venaient au secours de Monurt, l’on n’eut pas été obligé de promettre ses
dépouilles ; le Roy eut toujours raison de l’abandonner aux incendiaires,
puisqu’elle avait trahi la confiance de sa Majesté, et qu’il n’aurait rien qui
put mieux représenter la noirceur de ses
crimes, que la noirceur de ses masures.